Les deux Charentais ont, comme souvent dans les paroles de rap, appelé au crime. La routine en somme, puisque c’est le fond de commerce du genre.
D’habitude le rap joue les rebelles à bon compte, et appelle au crime en toute impunité, se sachant couvert par le système qu’il prétend dénoncer.
Mais grosse erreur, outre le fait qu’il ont appelé à trucider des policiers (quel originalité, quel courage politique !) ils ont aussi pointé nommément une femme, souhaitant voir sa tête « découpée et rangée dans un sac », et cette fois le couperet risque de tomber car il y eu plainte de ladite personne.
Un procureur a ouvert une enquête judiciaire, et à l’audience les deux rebelles en carton ont vomi sur leur noble art, n’assumant plus rien :
« À force de trop écouter un type de rap, on répète les mêmes choses sans vraiment penser ce que l’on dit », affirme Tom, penaud. « Cela ne reflète pas ce que l’on pense », ajoute Rémy. Les deux garçons admettent même avoir plagié « les rappeurs que l’on aime », citant Booba ou Kaaris.
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En apparence, ils risquent trois mois de prison pour des paroles de chanson alors que la liberté d’expression est officiellement sacrée dans l’émotion et l’union nationale. En réalité, la liberté d’expression n’est pas absolue, de plus en plus encadrée par des lois, dont une interprétation de plus en plus large (et à deux vitesses, selon que vous serez…) a entraîné ces dernières années, sur de simples suspicions, des amendes de plus en plus élevées, des censures de chanson, de spectacle même.
Le problème que pose la censure d’un spectacle d’une vidéo ou d’un texte, est que l’on ne censure pas un acte odieux mais sa formulation, qui peut justement servir à le supporter ou à le dénoncer. Le spectacle, l’humour toute formulation esthétique a en tout cas une fonction résiliante qu’aucun discours moralisant ne remplace.
Les juges et les politiques qui font semblant de ne pas le comprendre se comportent vis à vis de l’Art, comme les cowboys de Luke Luke qui la main sur le pistolet, veulent intervenir dans la pièce de théâtre (« lâche le gosse ! »).
Sauf qu’ils n’ont pas l’excuse d’être des « ploucs », puisqu’avec certains artistes (et pas d’autres) ils savent se rappeler que « Ceci n’est pas une pomme ».
Ceci n’est pas une pomme mais une capture d’écran représentant une pomme écrirait Magritte
Mais pas de chance pour les rappeurs, dans le rap cette distanciation n’existe pas et si censures et sanctions, ont jusqu’ici épargné le rap, un procureur, par ces mots : « aucune distanciation ! », s’est enfin rappelé que les rappeurs ne peuvent se cacher derrière ce que leur démarche méconnaît (cette distanciation), parce que le système qui les a promu et récompensé si longtemps s’est toujours gardé de leur rappeler qu’elle est condition sine qua non de tout Art.
Si le mea culpa de nos deux héros ne suffit pas à tout ceux qui en doutent, voici la traduction :
« À force de trop écouter un type de rap, on répète les mêmes choses sans vraiment penser ce que l’on dit », affirme Tom, penaud.
Traduction : Le ghetto dont nous nous plaignons est surtout un ghetto mental où nous nous complaisons. Loin de créer quoique ce soit nous sommes surtout des conformistes conscients de l’être et donc cyniques lorsque nous nous vendons comme des artistes libres.
« Cela ne reflète pas ce que l’on pense », ajoute Rémy.
Traduction : Nous avons menti à nos fans.
Les deux garçons admettent même avoir plagié « les rappeurs que l’on aime », citant Booba ou Kaaris.
Traduction : C’est pas nous M’sieur c’est les grands frères qui font de la merde. Mais ils ont gagné beaucoup d’argent ainsi, alors pourquoi pas nous ?
Les voilà reniant tout, même leurs maîtres. Ils savent que le rap est juste un moyen de réussite facile, et en profiter n’était-il pas légitime quand depuis trente ans que tout le système les y encourage, du ministère de la culture, aux radios et marques de vêtements ?
Ce procès est l’occasion de faire celui de la démagogie qui a consisté depuis trente ans à laisser croire à la jeunesse que l’Art peut se réduire à la seule expression de son ego, et qu’il peut se passer de distanciation.
Pour cela, au lieu des trois mois de prison requis, proposons d’infliger aux deux compères trois mois de stage d’apprentissage obligatoire de l’instrument de leur choix, avec concert obligatoire à la sortie
Allez les garçons, vous avez treize semaines pour répéter !
cliquez sur l’image floutée de l’auteur Mathias Cardet pour lire l’article : » l’effroyable imposture du rap : le livre qui manquait »