Renaud Patigny est un des pianistes les plus populaires de Belgique !
Depuis trente années, il joue partout où on l’appelle, à Paris, aux Etats-unis, en Italie et bien sûr, dans la patrie d’Hergé. Admirateur des pionniers afro-américains du blues et du boogie-woogie il a également composé une série de ragtimes, musique qu’il maîtrise et sait orchestrer. Son compagnon de route le batteur Bob Dartsch, très demandé dans la variété, où l’on a d’autant plus besoin de vrais musiciens qu’il faut compenser la nullité des escrocs, est lui aussi un Bruxellois au délicieux accent, et affiche avec Renaud Patigny vingt cinq ans de complicité, que leurs évolutions parallèles dans le monde du blues devait forcément provoquer.
Vous passeriez un moment unique dans les coulisses, avant d’entrer sur scène avec ces deux Belges, ils tuent votre trac en vous parlant… de bande dessinée bien sûr ! RENAUD PATIGNY
F.E.- Renaud ce qui étonne lorsque l’on te croise à Bruxelles c’est ton activité, tous les projets que tu mènes de front, ta maison semble être un quartier général, où des gens affairés passent et reçoivent tes consignes, quant à toi, jamais avare de ta peine tu es du jour et de la nuit.
RENAUD PATIGNY- Je suis assez écoeuré par la bêtise d’une série de personnes dans le monde des médias et des producteurs de spectacle.
On dirait franchement qu’ils n’ont aucun intérêt pour leur propre métier. Ils m’ont obligé à m’improviser organisateur – producteur – attaché de presse – graphiste – photographe.
Tritons dance : un album très personnel autoproduit par Renaud Patigny.
Heureusement, à force de ténacité on finit par obtenir des résultats même parfois étonnants. Arriver à créer de toutes pièces des évènements d’une ampleur certaine, sans avoir derrière soi les machines de guerre que possèdent certains producteurs, ça tient du miracle. Et c’est ce que j’ai vécu.
F.E.- Voilà des propos qui peuvent intéresser beaucoup d’artistes isolés; mais l’énergie suffit-elle ?
– La réussite a tenu à ce que j’ai su remplacer les moyens matériels par des idées, et puis mon chemin a croisé celui de gens merveilleux, qui même sans avoir de pouvoir ou de relations, m’ont beaucoup aidé en offrant de leur temps, de leur gentillesse.
F.E.- Oui le couplet sur les « gens merveilleux » c’est aussi ta modestie. Il ne faut pas minimiser tes mérites, ton courage.
– C’est à dire qu’en tenant le coup malgré les obstacles importants engendrés par la bêtise incommensurable d’un certain genre, hélas trop répandu de journalistes, à la longue, après ces années de combat (oui, le mot n’est pas exagéré, il s’agit bien d’un combat) j’ai rencontré des gens à l’esprit ouvert, des gens qui malgré toute la grisaille de ce monde pitoyable et impitoyable, restent enthousiastes, sensibles, intelligents et osent encore rêver. Puis enfin, j’en ai même rencontré qui ont leur mot à dire. Ca m’a donné un formidable coup de fouet.
Boogie-woogie à l’affiche … … avec parfois, Geniève Dartevelle
Et toutes ces énergies mises ensemble ont donné au bout du compte une chose rare : de grandes scènes consacrées aux styles du jazz des origines, pour de vrais concerts avec de bons musiciens devant des salles pleines. Bref, le rêve qui s’accomplit.
F.E.- Certes mais il y des échecs. Au Cirque royal l’année dernière le public (à Bruxelles l’équivalent de l’Olympia à Paris) n’était pas au rendez-vous. Je précise cela non par cruauté, mais pour que ceux qui lisent comprennent que rien n’est jamais gagné, que faute de relais, tu dois tout recommencer à zéro chaque fois !
– Oui j’y ai laissé des plumes mais je me suis relevé parce que la musique que je défends en vaut réellement la peine. Je suis parti simplement du principe que si j’ai été tellement bouleversé par la voix de Bessie Smith, par le son de Bix Beiderbecke, le swing des orchestres des années 1920, etc, il y a des chances que d’autres ressentent également ce frisson.
Or les émotions que toute cette musique a produit en moi sont si profondes et fortes, que j’étais persuadé envers et contre toute la planète des cons, et Dieu sait si elle est énoooorme…
F.E.- Il s’agit plutôt, d’une galaxie.
RENAUD PATIGNY – J’étais persuadé que malgré eux, quelque chose allait se passer, que j’aurais la force d’aller loin, ou de tenter de le faire.
Et puis ce n’est pas de ma petite force personnelle qu’il s’agit mais de l’impact de ces styles musicaux magiques qui est resté inchangé un siècle plus tard : il suffit de voir à quel point des enfants réagissent avec enthousiasme lors de concerts de ces styles pour comprendre immédiatement qu’il n’est pas encore temps de tourner la page, et d’ailleurs je pense que le jazz des origines est peut être même plus moderne, plus innovant que le « jazz moderne » et la plupart des styles musicaux prétendus actuels.
F.E.- Bien sûr « musique actuelles » c’est un slogan commercial, toute la musique est actuelle.
Bob Dartsch a accompagné régulièrement Renaud Patigny avec le même talent qu’il su a déployer auprès des trois quarts de ceux qui font du blues sur la planète. Il a même enregistré avec Plastic Bertrand, touchant la somme de 500 francs français de 1977 pour être le batteur de Ca plane pour moi).
RENAUD PATIGNY- Ma conviction personnelle est qu’il s’est passé quelque chose d’exceptionnel dans les années 1920 en Amérique, les Afro-Américains mélangés à la culture musicale des blancs ont créé un genre qui pour moi est intemporel, unique. Hélas très peu de musiciens sont capables de le comprendre et de l’interpréter valablement, toi oui Fabrice ! C’est pas pour te jeter des fleurs mais c’est un fait.
F.E. Pardon mais pour moi, les styles ça n’existe pas, il y a des cultures c’est vrai, mais il y a surtout des bons et des mauvais musiciens. Et ce n’est jamais définitif; si un soir je ne suis pas « dedans » je passe dans le camp des mauvais, et je rentre chez moi miné.
– En tout cas les musiques nées à cette époque ont hélàs été par la suite massacrées, je pense qu’elles méritaient mieux. Voilà, mais je dois courir, j’ai encore tant de trucs à faire ce soir, c’est épuisant, je dois même jouer du piano !!!
Vous pouvez visiter le site de Renaud Patigny sur :
Et visionner le final du festival qu’il organise :
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