Il fallait respecter l’horaire car les handicapés lourds devaient aller au dodo à heure fixe ; on se posa aussi beaucoup de questions sur le son, pour que les 200 personnes entendent le piano en plein air, en ce 2 septembre au Centre d’accueil pour les personnes handicapées de l’ordre de Malte à Kfardebiane.
« Ne vous formalisez pas s’il y a des comportements qui paraissent incongrus » prévient-on le pianiste… Il avait donc beaucoup de pression et d’enjeu pour ce concert qui s’avérait difficile.
C’est oublier que si Fabrice Eulry affectionne et privilégie le récital où l’on écoute assis (après avoir coupé et rangé son portable) il a aussi appris son métier dans les bars bruyants, puis avec toutes sortes de publics dans toutes sortes de lieux (maisons de retraites, prisons, centre médicaux avec trisomiques, personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, de troubles mentaux) et que s’adapter au contexte est une belle manière de continuer à apprendre sans cesse, pour qui privilégie l’improvisation musicale.
Donc, après un crépuscule digne de cette terre sainte près du Mont Saint-Charbel qui fit distinguer la Méditerranée au loin surplombée d’une ligne d’or qui s’assombrissait,
chacun s’assis en rang d’oignons, respectant la consigne d’écoute qui accompagnait la réputation faite au pianiste par les organisateurs. Seule une pensionnaire que son instinct guide, se balance au rythme du premier blues.
(cliquez sur chab1 pour visionner)
Mais dès le troisième morceau, un pensionnaire du centre pour qui la musique fait tomber les barrières de son handicap entraîne peu à peu tout le monde sur une piste de danse improvisée. Après un premier tour de piste en solo, qui incite Fabrice à prolonger Down by the Riverside avec une modulation de mib en do (signe qu’il va privilégier la masse sonore aux finesses, au fur et à mesure que la piste se remplit de danseurs, et que cette situation est souhaitée et anticipée) notre danseur invite tout d’abord un prêtre qui passait par là, à se joindre à sa danse, puis notre première pensionnaire :
(cliquez sur chab2 et Chab3 pour visionner)
le couple ayant entraîné une troisième personne, tout le monde s’y met,
les morceaux s’allongent, deviennent plus rythmiques et s’enchaînent sans plus aucune présentation ni bla-bla pour la simple fête, le simple plaisir.
Arrivée au Liban la nuit précédente pour prendre au Liban le relais des concerts de Fabrice Eulry, mais plutôt dans un répertoire de Bach à Chopin, la présidente de Résonnance Elizabeth Sombart, un instant interloquée – à la fin de la vidéo ci-contre :
… prend la chose avec le sourire et « parce qu’on ne me croira jamais », transgressant elle aussi la consigne, nous offre quelques images volées de ces moments de folie et de joie, où les aides-soignants, les ecclésiastiques, les pensionnaires handicapés, et les jeunes bénévoles en stage, venus de Suisse et d’Allemagne, se retrouvent dans une sorte de communion que seule la musique sait dispenser. On twiste en tous sens et notre originel fauteur de trouble est porté en triomphe !
Enfin, la jeunesse libanaise, est toujours heureuse de se faire photographier après le concert avec le pianiste, pour le plus grand bonheur de ce dernier également !
Merci à tous pour les images : ce n’était pas prévu mais tout le monde a eu la gentillesse de les communiquer à l’artiste pour Le Canard du pianiste. Partagez à votre tour !